26-03-2013 | Le bric à brac de Jean-Baptiste Evette
Au théâtre, Glorieux, Glorieuses
Posted on 26 mars 2013
Ce spectacle de la compagnie des Anges Mi-Chus, mis en scène et conçu par Anne Carrard, est divisé en deux tableaux ou plutôt deux actes. Le premier est joué par Benoît Hamelin et Maximilien Neujahr, le second par Pauline de Coulhac et Raphaële Trugnan, en compagnie d’une sorte d’échafaud, ou d’échafaudage de métal qui constitue l’unique décor, et qui se fait tour de guet, autel pour sacrifice, bureau ou pont de navire, à moins que ce ne soit une jetée ou un poteau téléphonique. Les protagonistes du couple féminin et du couple masculin sont parfaitement complémentaires, avec des présences physiques, des attitudes qui leur permettent d’incarner des personnages merveilleusement présents et distinctifs.
Si les activités répétitives des deux duos apparaissent d’abord comme une de ces tâches absurdes et comiques que nous impose le quotidien, auxquelles nous feignons d’attacher de l’importance, en quoi la vie paraît s’inspirer d’une pièce de Beckett, détail par détail, touche par touche une tragédie se dessine.
Les hommes jouent à échanger des messages secrets au téléphone, puis s’amusent à la guerre, tandis que les femmes jouent à attendre un retour, s’efforçant de vivre entre temps, rêvant autour de livres, dont l’un raconterait une vie alternative du bouillant d’Achille en danseur de tchatchatcha.
Cela paraît léger, absurde, mais ce petit monde obsédé par des rituels baroques, drôles et émouvants, qui danse, qui chante, qui mime, qui se querelle comme un Lucky et un Pozzo dans les bureaux d’une DGSE fantaisiste et dérisoire, est guetté par la tragédie. L’ennemi viendra, il y aura des morts, la menace pèse comme une certitude. On sacrifiera forcément une femme sur l’autel de la guerre. Le catalogue des vaisseaux de l’Iliade, le fragment de l’Hécube de Sophocle viennent confirmer ce dont le spectateur commençait à se douter : il s’agit finalement d’une tragédie.
Cependant, aucun mode d’emploi ne vous est livré, le spectacle prend le risque de faire confiance à l’intelligence et à la culture d’un spectateur, emporté dans un succession de fragments délicieux et comiques, entre des tourbillons de fumée ou de poussière : les énigmatiques appels téléphoniques, la liste des différentes sortes de morts rangées par thème (les morts « liquides », les morts « piquantes » etc.). Et l’emploi de la chanson « Stagger Lee » de Nick Cave, je ne vous dis que ça !
Ce contenu a été publié le DEPUIS QUAND SE MÊLE-T-IL DE FAIRE LE CRITIQUE ? par Jean-Baptiste Evette.